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Comment l’élevage peut inverser la désertification et les dérèglements climatiques

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Par Jérémy RODRIGUES*

gnus-and-zebras-in-masai-mara-krappweisAlors que la population mondiale ne cesse de croître, et qu’avec son niveau de développement, elle consomme de plus en plus de viande, l’élevage est souvent pointé du doigt à cause de ses impacts environnementaux. Pourtant, en imitant la nature, il a un fort potentiel de restauration des écosystèmes. Démonstration.

Tout le monde a vu ces photos très éloquentes d’une vache broutant derrière un empilement de barils de pétrole, de cours d’eaux pollués par les engrais ou les déjections animales. En 2005, l’élevage a été désigné par la FAO comme une cause majeure de déforestation. Il induirait une perte importante de biodiversité et le surpâturage, en particulier dans les zones semi-arides, serait un facteur important de désertification.

Ces accusations, quoique justifiées, ne doivent toutefois pas être imputées au bétail, mais à  notre façon de le gérer. Les grands troupeaux sauvages qu’on voit dans les documentaires animaliers ne sauraient être accusés de consommations de pétrole, d’eau ou d’engrais.

Au mieux pourrait-on leur imputer la désertification liée au surpâturage, mais même cette allégation est partiellement erronée. Cette découverte a priori surprenante a été faite dans des zones semi-arides menacées de désertification, quand, après que des troupeaux sauvages aient été retirés (comprendre « exterminés »), la situation s’est aggravée.

Rétroactivement, la raison est facile à comprendre : dans la nature, les troupeaux rendent d’importants services aux écosystèmes. En se nourrissant, ils éliminent les plantes les plus hautes au profit des plus jeunes. Leur piétinement permet un labour doux du sol et un enfouissement des graines. Leurs déjections servent également d’engrais, restituant au sol les nutriments et micro-organismes indispensables à sa bonne qualité biologique, et donc à la repousse des plantes.

Dans certaines zones semi-arides, ils sont ainsi le seul vecteur de renouvellement du couvert végétal, quand la rigueur du climat et le soleil tuent rapidement micro-organismes, graines et plantes, et que l’absence de décomposition des plus vieilles prive les plus jeunes des nutriments indispensables à leur repousse. Un terrain semi-aride laissé sans pâturage ne se renouvelle donc pas, ce qui le conduit inexorablement à se transformer en désert.

La clé de ce paradoxe se trouve dans l’observation de la nature. Pour se protéger contre les prédateurs, les grands troupeaux sauvages ont une forte densité. Cela oblige leurs membres à manger directement ce qu’ils ont à leur portée, plutôt que privilégier certaines variétés ou les plantes les plus jeunes et tendres, au risque de les épuiser.

Ayant rapidement tondu tout ce qui dépasse du sol et recouvert ce dernier de déjections, ils sont obligés de se déplacer, pour ne revenir que lorsque les déchets auront été métabolisés. Cela laisse le temps au couvert végétal de repousser, aidé en cela par les services évoqués plus haut.

Inspiré par ces découvertes, le biologiste zimbabwéen Allan Savory a développé une technique de « management holistique » des sols. L’idée de base : utiliser des troupeaux denses pour maintenir un couvert végétal jeune et à croissance rapide, en ménageant pour celui-ci des temps de repos par un déplacement des animaux vers un autre terrain.

Un exemple éloquent, s’il en est, d’agro-écologie : aucun tracteur, élagueur, semeur, labour ou épandeur n’est nécessaire. Ils sont naturellement trouvés dans les systèmes digestifs et les pattes des animaux, qui ne sont plus parqués dans des batteries, dans des conditions parfois indignes, qui obligent le recours à force antibiotiques et autres.

Outre les économies évidentes de coûts, cette technique rend autonome le couple « Pâturages + bétail » et a un effet restaurateur spectaculaire sur les terrains semi-arides. Plus de 15 millions d’hectares de terrains fragiles ont ainsi retrouvé un bon état biologique.

Ces zones, désormais protégées de la désertification, agissent comme de puissants puits de carbone, à mesure que la biomasse y croît et enrichit le sol, et offrent à leurs habitants une source stable de revenus et de nourriture.

Cet exemple montre clairement combien il est important d’observer la nature, de comprendre comment ses composants interagissent spontanément. Cette approche dite holistique des écosystèmes, qui étudie autant les interactions entre sous-systèmes que ces sous-systèmes eux-mêmes, est indispensable pour développer des activités en synergie avec leur environnement, dans une relation de profit réciproque.

Elle va à contre-courant d’une approche réductionniste, où chaque élément est étudié séparément, hors de son contexte. Le réductionnisme peut pourtant engendrer des erreurs considérables. Un observateur extraterrestre qui étudierait un groupe restreint d’humains dans un milieu hostile (comme après le crash d’un avion dans l’Himalaya) aurait tôt fait de conclure que les humains sont cannibales ! 

Dès que l’on a affaire à des systèmes complexes et/ou doués d’une forme d’intelligence, le contexte même de l’étude en change les résultats. Pour proposer des modèles et des actions d’amélioration qui soient pertinents, l’observation des écosystèmes sur le terrain, dans leur contexte, peut être une grande source d’inspiration.

Pour plus d’informations :
Résumé du management holistique (3 minutes)
Présentation d’Allan Savory (20 minutes)
FAQ sur les aspects techniques de la méthode 
Exemple en Californie (1h20)

*Acquis dès la première heure au développement durable, Jérémy RODRIGUES nourrit une passion sans limite pour les enjeux énergétiques et l'écologie, industrielle ou naturelle. Après s'être investi dans des projets d'écologie industrielle (de la recherche à l'opérationnel) en territoire portuaire dans les Bouches-du-Rhône, il fait désormais une thèse sur l'analyse environnementale de filières de production de biomasse sur des friches en Lorraine. Jérémy est adhérent de l'institut INSPIRE.


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